Tigrrr

Suyvel... ce nom résonnait à mes oreilles comme une douce mélodie...

Le temps pour moi de reprendre mes esprits et de répondre

"Je suis heureux de faire votre connaissance, gente damoiselle... Je me nomme Dis Pater, pour vous servir."
Cette elfe avait un je-ne-sais-quoi de captivant et intimidant en même temps...

"En ce qui concerne notre position sur les karmas, nous acceptons tout le monde parmi nous du moment que cette personne est prête à porter main forte aux siens et qu'elle soit pleine de bonne volonté... Nous ne faisons pas cas de conscience de son karma mais de son aptitude à respecter son prochain.
Nous n'attaquons que si nous sommes attaqués.
Mais cela implique que si attaque il y a eu, attaque il peut y avoir à nouveau... Donc si c'est une personne isolée, elle devient notre ennemi. Si elle fait partie d'une faction, sa faction est considérée comme notre ennemi.

Cela semble logique, c'est le principe de l'autodéfense...

En ce qui concerne les guerres entre les Orcs et les habitants de MZ, jusqu'à présent nous n'y avons pas encore pris part du fait que nous sommes tous arrivés récemment sur ces terres. Nous n'avons donc aucune expérience dans ces combats.
Difficile de prendre parti dans un camp ou dans l'autre dans ces conditions !

Notre rêve serait de vivre dans une utopie, mais ce n'est et sera jamais rien de plus qu'un rêve...

Espérant ne pas les avoir assommé avec ce flot de paroles incessant, je me tus un instant et attendis leur réaction...

Les derniers propos de Dis Pater tirèrent un sourire à l'elfe noire.

"Général, si d'aventure vous trouviez l'utopie que vous cherchez, je vous saurais gré de m'en indiquer le chemin, surtout si on n'y trouve pas d'orques! En attendant ce jour béni, je vous invite à réfléchir au parti qui vous conviendrait dans ce conflit. Car même si vous ne souhaitez pas vous y engager, je crains fort que les orques vous y mêlent contre votre gré..."

L'expression de Suyvel redevint sérieuse - voire grave - alors qu'elle évoquait les souvenirs des luttes de son peuple contre les peaux-vertes.

"Les orcs passent parfois pour des conquérants, mais ils sont bien pires que cela. C'est comme un nuages de sauterelles qui s'abat sur un pays... une marée soudaine, violente et irrésistible. Une nuée qui tue, pille et dévaste tout, ne laissant que cadavres et ruines fumantes derrière elle. Les orques ne vous laisseront pas en paix quand bien même vous les en supplieriez. La seule chose qui peut les arrêter ou les dissuader, la seule chose qu'ils comprennent et qu'ils respectent... c'est la force."

Le ton âpre de la magicienne disait assez l'exécration que lui inspirait cette engeance brutale et belliqueuse.

"Certains mercenaires de cette contrée croient très malin de s'allier aux orques pour en tirer un gros profit. A court terme, c'est possible - à supposer que les orques ne les tuent pas une fois qu'ils en auront fini avec les défenseurs de Melrath Zorac - mais à long terme, c'est la ruine pour tous. A quoi leur servirait-il de régner sur un pays peuplé uniquement de tombes?"

Un silence, bref mais lourd. Si Suyvel était sûre d'une chose, c'était bien que les orques ne laisseraient rien derrière eux.

"La neutralité ne vous sauvera pas, malheureusement. Alors la seule question qui vaille est: pour quel camp seriez-vous prêts à vous battre... et s'il le faut, à mourir?"

Le général savait que ces propos étaient plein de bon sens...

Il n'eut d'ailleurs pas à réfléchir très longtemps pour connaître la réponse qu'il allait leur annoncer, mais il voulait d'abord s'assurer auprès de ses compagnons de route qu'ils étaient tous d'accord avec ce qu'il se disait en ce moment...
Il effectua donc un sondage visuel de chacun auquel ses amis répondaient par un hochement de tête signifiant qu'il pouvait poursuivre le dialogue.

"S'il faut mourir, alors nous combattrons pour sauver le genre humain. C'est la seule cause importante qui compte à nos yeux...
Et si c'est là que se trouve également votre camps, nous serions honorés de pourfendre les orques à vos côtés."

En entendant les paroles de son hôte, Suyvel se détendit un peu. Elle avait craint un instant qu'il s'entête dans une neutralité sans espoir. Mais il avait finalement choisi de prendre parti, et un parti logique: défendre ses semblables. Elle lui sourit.

"Oui, c'est là que se trouve notre camp également, n'ayez aucun doute à ce sujet. Et je suis ravie que vous ayez fait ce choix, n'en doutez pas davantage."

C'était un des bons côtés du métier de diplomate: pouvoir à l'occasion jeter des ponts entre sa faction et d'autres, se trouver des vues partagées, des objectifs communs... rapprocher les individus plutôt que les diviser. Et elle appréciait le côté relationnel de la chose.

Cette pensée la frappa, l'amenant à un bref questionnement intérieur. Lorsqu'elle était arrivée sur ces terres, il y a moins de trois ans, elle était une drow plutôt farouche et solitaire. Et voilà qu'elle œuvrait désormais comme diplomate pour le Souffle d'Eolia. Encore mieux, elle y avait pris goût. Que de changement, que de route parcourue en relativement peu de temps!

Laissant ces considérations personnelles de côté, elle se concentra de nouveau sur son hôte. Avec ce qu'il venait d'exprimer, il lui avait ouvert une voie royale pour une proposition diplomatique en bonne et due forme.

"Général, puisque nos intérêts semblent converger, puisque nous serons sans doute appelés à combattre côte à côte... il serait dommage que les membres de nos factions doivent déplorer des agressions réciproques. Souhaiteriez-vous que nous écartions formellement toute violence entre nous? Seriez-vous disposés, vous et les vôtres, à vous engager en ce sens? Bien entendu, il nous faudrait examiner la profondeur de cet engagement, ce que nous souhaiterions y faire figurer... accord de non agression, commercial, défensif, tout est possible, pourvu que nos deux factions le désirent."

Suyvel avait quelque peu appuyé ce dernier mot. Elle eut un léger sourire, qu'elle dissimula derrière son verre, et lança un regard non dénué de malice à Dis Pater...

Le général semblait ravi de la direction que prenait cette discussion ainsi que des propos de la charmante demoiselle...

"En effet, cela serait une bonne idée et je ne pense pas que mes compagnons nous contredisent à ce sujet..."

Je marquais une pause et regardais mon homologue avant de poursuivre :

"En revanche, pour tout ce qui concerne les termes de cet accord, il vous faudra vous entretenir avec Swadek.
Il se fait discret en ma présence par respect mais c'est un très bon diplomate en qui j'ai toute confiance pour sceller ce traité en bon et dû forme."

Le général surveillait toujours son ambassadeur attendant une réaction. Il était sûr que celui-ci allait réagir et nous faire à nouveau entendre sa voix !